Douze agents diplomatiques français ont été expulsés d’Algérie, provoquant une nouvelle détérioration des relations entre Paris et Alger. Cette décision fait suite à la mise en examen de trois individus liés à l’enlèvement présumé de l’influenceur franco-algérien Amir Boukhors, connu sous le nom d’Amir DZ.
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Il a été annoncé par les autorités algériennes, dimanche 13 avril, que douze agents de l’ambassade de France à Alger seraient expulsés. Cette mesure a été perçue comme une réponse directe à la mise en examen de trois ressortissants algériens, suspectés d’avoir participé à l’enlèvement d’Amir Boukhors en avril 2024. Ce dernier, réfugié politique en France, est connu pour ses publications critiques envers le pouvoir algérien.
Selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, la décision d’Alger aurait été motivée par cet épisode judiciaire, qui a ravivé les tensions déjà existantes entre les deux pays.
Un enlèvement toujours entouré de zones d’ombre
D’après le récit livré par l’influenceur à France 2, quatre hommes, dont deux arborant un brassard de police, l’auraient arrêté, menotté puis conduit en Seine-et-Marne. Il aurait été drogué, puis séquestré dans un conteneur durant près de vingt-sept heures. Il aurait ensuite été relâché, sans que ses agresseurs ne soient identifiés immédiatement.
Des éléments rapportés par son avocat indiquent que l’influenceur aurait déjà été victime d’une agression en 2022. En novembre 2023, il avait obtenu l’asile politique en France. Toutefois, plusieurs mandats d’arrêt internationaux ont été émis par l’Algérie à son encontre, notamment pour des faits présumés d’escroquerie, de propagande terroriste et d’incitation à la violence. Deux demandes d’extradition, soumises en 2021, avaient été rejetées l’année suivante par la justice française.
Une mise en examen à l’origine de la crise
Le vendredi précédant l’expulsion des diplomates, trois personnes ont été mises en examen à Paris pour des faits d’enlèvement en lien avec une entreprise terroriste. L’une d’elles serait un agent du consulat d’Algérie à Créteil, ce qui a été dénoncé avec fermeté par Alger. Le ministre de l’Intérieur français a confirmé, dimanche, l’implication présumée d’un employé consulaire, tout en précisant qu’aucune preuve directe ne liait cet acte à l’État algérien.
Le gouvernement algérien a immédiatement protesté. Une convocation urgente de l’ambassadeur de France à Alger a été organisée. Dans son communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères a contesté la légitimité de la procédure judiciaire, dénonçant une atteinte à l’immunité consulaire et une arrestation jugée irrégulière.
Une affaire déjà liée à des soupçons d’espionnage
L’affaire Amir DZ avait déjà fait parler d’elle quelques mois auparavant. En décembre 2024, un employé franco-algérien du ministère de l’Économie avait été mis en examen. Il aurait transmis des informations confidentielles à l’Algérie, concernant plusieurs opposants exilés, dont Amir Boukhors. Ces données auraient été obtenues via une assistante sociale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, avec laquelle il entretenait une relation personnelle. Ces éléments auraient ensuite été transmis à un diplomate du consulat de Créteil.
Quelques semaines après cette fuite présumée, Amir DZ aurait été kidnappé. Ce lien temporel soulève de nouvelles interrogations sur les motivations réelles de ses agresseurs.
Des relations diplomatiques déjà fragilisées
Cette nouvelle crise intervient dans un contexte déjà tendu. Depuis la mi-2024, plusieurs événements ont contribué à la dégradation des relations bilatérales. La reconnaissance par la France du plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, en juillet, avait entraîné le rappel de l’ambassadeur algérien. Par la suite, l’arrestation en novembre de l’écrivain Boualem Sansal, puis l’affaire de l’expulsion d’un autre influenceur refoulé par Alger en janvier, avaient alimenté les tensions.
Malgré une tentative d’apaisement exprimée début avril par Jean-Noël Barrot, la mise en examen de ressortissants algériens a été interprétée par Alger comme une provocation. Le gouvernement algérien a parlé d’un « tournant judiciaire inédit » dans l’histoire des relations entre les deux pays, y voyant une manœuvre destinée à entraver la reprise du dialogue.
Alors qu’un effort diplomatique semblait amorcé pour rétablir la confiance entre Paris et Alger, l’affaire Amir DZ a ravivé les tensions. En raison des enjeux politiques et judiciaires qu’elle soulève, cette affaire pourrait durablement peser sur les relations entre les deux pays, déjà marquées par une histoire complexe et sensible.
Source : Francetvinfo.fr, AFP